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Photo du rédacteurClément Barré

"Hors de l'Eglise point de Salut" Partie 3 - L'apport décisif de Ratzinger

Cette note est un commentaire d'un article de Joseph Ratzinger publié en 1971 spécifiquement consacré a interroger la formule "Hors de l'Eglise..." Cette réflexion reprend tous l'enseignement du concile et l'approfondie pour offrir une compréhension extrêmement fine de cet adage.


La constatation qui ouvre sa réflexion est vertigineuse : à l’échelle de l’histoire de l’humanité le christianisme est un épiphénomène qui ne touche qu’une portion intime de l’humanité. Ainsi il ne s’agit plus de comprendre comment « les autres » peuvent il être sauvé mais de « comprendre la place et la mission de l’Église dans l’histoire, d’une manière positive qui nous permettent de croire à l’universalité de l’offre divine du salut aussi bien qu’à la nécessité inéluctable du ministère ecclésial du salut [1] »


En claire, pourquoi suis-je encore chrétien ?


Pour lui l’adage est à comprendre comme « un appel aux chrétiens et non une théologie touchant les non chrétiens [2] ». Et il pose la question du salut de manière à pouvoir rendre compte de sa double universalité ; une universalité dans l’étendue qu’il nomme « universalité en tant qu’espérance » et une universalité dans la nécessité absolue de Jésus Christ qu’il nomme « universalité en tant qu’exigence ». Cela le conduit à envisager la question à la fois dans sa dimension objective et subjective.


Dimension subjective

La question ici est : que doit posséder un homme pour être chrétien ? À cela l’écriture donne 2 réponses :

  • 1ère réponse : Qui possède l’amour possède tout. Ainsi « l’amour suffit complètement, absolument et sans condition [3] ». L’amour vécu concrètement se manifeste ainsi comme la seule voie suffisante au salut. C’est ce qui est manifesté par le chapitre 25 de l’évangile de Matthieu ou par le chapitre 13 de l’épître au corinthien. C’est en vivant l’amour que nous sommes sauvés. MAIS personne ne possède vraiment l’amour. Dans notre humanité marquée par le péché tout acte d’amour est marqué par l’égoïsme qui blesse est abîme tout. De Jure nous sommes tous des damnés.

  • 2ème réponse : Le Christ supplée, il comble le déficit de notre amour. Nous devons ouvrir les mains pour tout recevoir de lui. Ce mouvement d’ouverture c’est la foi, qui est le contraire de l’hybris des anciens. Elle est une reconnaissance de mon insuffisance et ouverture à l’autre. Refus d’être soi-même sa propre justification et son propre salut.


Ainsi on peut affirmer conjointement que « l’amour seul suffit » et « la foi seule suffit » pour le salut. Mais ces deux formules ne s’opposent pas, elles se complètent et conduisent l’homme à un dépassement de soi pour aller vers l’autre. C’est dans l’autre, que ces deux attitudes se rencontrent et se fécondent. Le votum ou « désir implicite » de l’Eglise que pensaient les scolastiques c’est l’obéissance à ce double appel qui résonne au fond de la conscience de chaque homme, l’appel de l’amour et l’appel de la foi, qui est « la loi fondamentale » du christianisme.


La dimension objective

C’est l’insuffisance de notre amour qui rend absolument nécessaire le ministère du Christ car c’est lui qui donne un sens à toute foi, même implicite. Sans le ministère du Christ, tous mouvements, toutes attitudes spirituelles seraient lancées dans le vide. C’est sur la nécessité du ministère du Christ que se fonde la nécessité du ministère ecclésial.


Dans le salut de chaque homme, le Christ est à l’œuvre, mais pour agir le Christ n’est jamais seul. Il a voulu se doter d’un corps qui dans le monde agit avec lui. Ainsi, par lui et dans son Eglise, les hommes sont associés à son œuvre. Le Christ seul sauve mais il ne sauve jamais seul, et son action salvifique consiste précisément à associer l’homme à celle-ci. En cela, pour l’Eglise c’est la même chose que d’être fin et être moyen, puisque sur cette terre, fin et moyen se confondent. Être sauvé c’est être associé à l’œuvre de salut du Christ et par la même coopérer avec lui au salut de tous.


Il faut donc affirmer « le plein ministère de l’existence visible dans l’Eglise n’est pas accompli par tous, mais il est accompli pour tous et l’humanité vit de l’existence de ce ministère [4] ». Ainsi, l’Eglise au cœur du monde existe pour lui permettre d’être sauvé. Il faut donc affirmer qu’être chrétien, c’est accepter d’être chargé par le Christ de ce fardeau et de travailler avec lui au salut de tous. Et « la grandeur de ce service ce n’est pas d’être sauvé soi-même alors que les autres sont éprouvés mais c’est que le salut des autres aussi leur advient par lui [5] ».


L’Église est « la petite troupe de ceux par lesquels Dieu veut sauver l’humanité [6] ». La mission, l’évangélisation est donc « l’expression inéluctable de cette existence pour les autres [7] » car si l’Eglise est une partie au service du tout, elle n’est pas pour autant un cercle ésotérique clos. Elle est convocation de tous, appel au cœur de l’humanité à venir à la montagne du Seigneur pour « admirer le Seigneur dans sa beauté et s’attacher à son temple » (Ps 26, 4). Transmettre la parole de Dieu appartient inéluctablement à son mystère et à son ministère.


[1] J. Ratzinger, Le Nouveau Peuple de Dieu¸chap VIII « Hors de l’Eglise point de Salut », éditions Montaigne, Paris 1971, p. 161

[2] Idem. p. 162

[3] Idem. p. 163

[4] Idem. p.168

[5] Idem. p.169

[6] Idem. p.169

[7] Idem. p.171

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