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Léon XIII et la ralliement

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    Clément Barré
  • il y a 3 jours
  • 14 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 3 jours

Puisque l'on va beaucoup en entendre parles dans les jours qui viennent. Je sors de mes archives ce long papier sur Léon XIII et le ralliement pour mieux comprendre ce dont il est question.

Introduction 

La question de l’engagement des catholiques dans la vie démocratique française est aussi vielle que la démocratie française elle-même. Ayant pour socle fondateur la Révolution Française qui fut une révolution contre le roi mais aussi contre l’Eglise, les catholiques sont encore aujourd’hui suspects dès lors qu’ils prétendent s’exprimer dans le débat public. De même chez certains catholiques, il existe encore une méfiance et un sentiment de persécution vis-à-vis de la république. Le problème de la relation entre les catholiques et la République s’est posé de manière singulière à la fin du XIXème siècle autour de la question du ralliement. 


Le Ralliement désigne le fait, pour les catholiques français au début de la IIIème République, de renoncer au régime monarchique et d’accepter la forme républicaine du gouvernement. Il est porté par une doctrine politique élaboré à la fin du XIXème siècle qui se cristallise dans l’encyclique « Au milieu des sollicitudes » publié par le pape Léon XIII le 20 février 1892. Cette prise de position du pape dans laquelle il appelle les catholiques rompre avec la tradition monarchiste qui est alors grandement majoritaire représente un bouleversement majeur de l’équilibre politique de la troisième république. Le ralliement est aussi une révolution au sein même du catholicisme français, car non seulement la monarchie française a toujours été considérée comme gardienne et garante de l’ordre catholique du pays mais en plus la république est alors perçue, par les catholiques, comme fille de la révolution, anticléricale et franc-maçonne. 


Comment alors comprendre ce bouleversement initié par le pape Léon XIII ? Dans un premier temps nous étudierons le contexte politique et religieux qui permet d’expliquer cette décision (I) ensuite nous verrons les motivations de Léon XIII, et comment se déroule le ralliement (II), enfin nous verrons sa réception dans le pays et ses conséquence afin d’en mesurer le succès (III).  


  1. Le contexte politique et religieux du début de la IIIème République 

    1. La République devient un état de fait inévitable 

La IIIème République naît des cendres du second Empire après la défaite de Sedan, le 2 septembre 1870. Proclamé par Léon Gambetta le 4 septembre dans une sorte de tour de force destiné à renverser l’Empire, l’idée républicaine ne semble pourtant pas acquise. Les premières élections législatives de janvier 1871 porte au pouvoir une large majorité monarchiste, et les premiers gouvernements d’Adolphe Thiers (1871-73) puis de Patrice de Mac Mahon1 (73-79) sont considéré comme des gouvernements transitoires le temps que légitimistes et orléanistes puissent se mettre d’accord sur l’identité du futur souverain. Si bien qu’aucune constitution de la IIIème République n’est promulguée.  

Orléaniste et légitimiste finissent par s’entendre après la rencontre d’Henri d’Artois, comte de Chambord et de Philippe d’Orléans, Comte de Paris. Ce dernier reconnaît la légitimité du comte de Chambord, tout en s’entendant sur le fait que, celui-ci n’ayant pas de descendance, la succession sera assuré par la famille d’Orléans. Cependant, Henri d’Artois refusera de monter sur le trône de France à moins que ne soit rétablie le drapeau blanc, scellant l’échec de la tentative de restauration de la monarchie française.   

Si, pour les députés monarchistes tout espoir de restauration n’est pas perdu, il faut au moins gagner du temps et attendre la mort du comte de Chambord, il devient alors nécessaire de garantir le cadre légal du gouvernement de la France, ce qui va conduire au vote des lois constitutionnelles de 1875 qui donneront une forme établie à la IIIème République. 


Dans le même temps, alors que l’espoir d’une restauration s’amenuisent d’année en année, la République gagne peu à peu ses lettres de noblesse auprès de la part conservatrice et catholique du pays. La répression de la commune de Paris par le gouvernement de Thiers consomme la rupture entre la République et le principe révolutionnaire. Le gouvernement de la IIIème république se présente comme le garant de l’ordre et de la reconstruction du pays après la défaite de 1870, n’hésitant pas à réprimer dans le sang toute tentative d’insurrection. Patrice de Mac Mahon s’inscrit dans cette lignée, déclarant le lendemain de son élection : « Avec l’aide de Dieu, le dévouement de notre armée qui sera toujours l’esclave de loi et l’appui de tous les honnêtes gens, nous continuerons l’œuvre de la libération du territoire du rétablissement de l’ordre moral de notre pays »2.   

Cette conjonction entre un restauration monarchique de plus en plus hypothétique et une république qui gagne ses lettres de noblesse et se faisant garante de l’ordre sociale et morale contribue à faire de la forme républicaine du gouvernement un état de fait difficile à remettre en cause. La République s’installe peu, à peu, symbole par symbole3, sans jamais qu’une constitution ne soit adoptée, mais de manière inéluctable. 

 

  1. Le retour de l’anticléricalisme 

La victoire du parti Républicain, opposé à la politique de « l’ordre moral », au législative de 1876 vient changer la donne. La question romaine fait irruption dans la vie politique française quand Pie IX, opposé à l’unification italienne et qui lutte pour conserver l’autorité temporelle de la papauté, entend rallier à sa cause les nations catholiques d’Europe.  


À partir de 1877, de nombreux évêques français prennent alors publiquement position pour le pape contre la révolution italienne et pressent le Président Mac Mahon de faire de même. Cela entraine une vive réaction des députés républicains contre un clergé accusé de vouloir conduire la France en guerre contre l’Italie. Si le chef du gouvernement, Jules Simon, tente de calmer les esprits en condamnant publiquement les propose de l’évêques, cela ne suffit pas à apaiser les députés les plus radicaux dont Léon Gambetta dont la formule est restée célèbre : « le cléricalisme, voilà l’ennemi » 


Ce regain de tension entre la République et l’Eglise va dégénérer en conflit ouvert avec la politique de laïcisation de l’instruction de Jules Ferry. Ce dernier, ministre de l’instruction de 1879 à 1883, engage une réforme profonde du système d’instruction qui l’entraine dans un bras de fer avec l’Eglise. 


C’est l’article VII du projet de loi sur l’enseignement supérieur qui met le feu aux poudres. Ce dernier prévoit l’interdiction d’enseignement pour toutes les congrégations « non-autorisé ». Toutes ces congrégations, au premier rang desquelles se trouvent les jésuites et les assomptionnistes, bras armés de l’ultramontanisme et de la lutte contre l’esprit d’irreligion, sont alors menacé d’expulsion de l’enseignement public et privé. Ferry ne cache pas ses intentions, il s’agit pour lui de garantir le droit de l’État sur l’éducation de la jeunesse et de fermer les écoles où se diffuse l’enseignement contre révolutionnaire.  


Le texte provoque de vifs débats, autant au parlement que dans la société, mais finit par être adopté, malgré l’opposition du sénat. Le 29 mars 1880 deux décrets sont promulgués par le gouvernement, le premier contre la Compagnie de Jésus sommé de se dissoudre et d’abandonner ses établissements sous trois mois, le second pour les autres congrégations « non-autorisées » leur accordant un décret de six mois pour déposer une demande d’autorisation. Malgré les oppositions du camps conservateurs et de l’épiscopat, les expulsions se déroule, parfois dans la violence. Au total 6000 religieux sont chassés de leurs maisons et 250 couvents sont fermés. 


L’opposition entre Ferry et l’Eglise ne s’arrête pas là. La politique de laïcisation de l’école primaire devient le nouveau champ de bataille. La substitution de l’enseignement religieux par un instruction civique et morale est inacceptable pour l’épiscopat d’autant que le catholicisme est très majoritaire dans la population. Les évêques y voient une promotion de l’athéisme et de l’esprit révolutionnaire. Le 28 mars 1882 est voté la loi proclamant la neutralité de l’école publique7

Cette défaite de l’Eglise interroge. Comment, dans un pays où 90% des habitants sont baptisés et une très large majorité pratique la religion catholiques, de telle lois ont pu être votées ? La faiblesse politiques des catholiques, réticents à s’engager dans ce régime républicain éclate au grand jour. Les protestations de l’épiscopat et du clergé n’ont que peu d’efficacité, même la parole du pape n’est pas écoutée. Ces lois anticléricales permettent une prise de conscience de la nécessité d’œuvrer au sein des institutions de la République pour défendre l’Eglise et la foi. 


  1. Léon XIII et le ralliement 

    1. Léon XIII, un pape diplomate 

Le 20 février 1878, Vincenzo Gioacchino Raffaele Luigi Pecci est élu sur le trône Pierre et devient pape sous le nom de Léon XIII. Fils de la noblesse romaine, très bon théologien et fin diplomate, il entend poursuivre le combat de son prédécesseur Pie IX pour la sauvegarde de l’autorité pontificale mais de manière plus subtile. Bien qu’il maintienne l’opposition de la papauté à l’occupation des états pontificaux, continuant de s’affirmer prisonnier au Vatican il va promouvoir une philosophie politique différente, appelant les catholiques à s’intéresser moins à la forme du gouvernement qu’à la transformation de la société. Toute forme de gouvernement est légitime « qu’elle sache marcher droit à sa fin, c’est-à-dire le bien commun, pour lequel l’autorité sociale est constituée », il faut, à l’intérieure de cette forme de gouvernement œuvrer pour la foi et la défense de l’Eglise .

 

Bien conscient que des ennemis de l’Eglise travaillent à lui ôter toute capacité à agir dans le domaine temporel (il écrit plusieurs encycliques contre la franc-maçonnerie et le modernisme), il invite les fidèles à s’investir dans la vie politique, sociale, économique de leurs pays pour y faire régner les valeurs de l’évangile. L’exposition de la doctrine sociale de l’Eglise par l’encyclique Rerum Novarum est à comprendre dance contexte politique. Proche du catholicisme social de Léon Hamel et Frédéric Ozanam, cette encyclique veut donner aux catholiques le cadre idéologique de leur engagement politique.   


C’est dans cette optique qu’il va encourager les catholiques français à accepter la forme républicaine du gouvernement. Léon XIII est conscient que le combat en faveur de la restauration monarchique est perdu d’avance et n’a que peu d’intérêt. Pragmatique, il a conscience que la République s’est imposée et qu’il faut maintenant composer avec elle. Le risque est que les chrétiens, concentrant toute leurs forces, sur la défense d’une forme de gouvernement, ne puissent s’opposer aux lois anticléricales, d’autant que la République a montré qu’elle pouvait œuvrer en accord avec les intérêts de l’Eglise. Il ne s’agit plus pour les catholiques de promouvoir un régime de chrétienté qui imposerait par la forme du gouvernement et la religion d’État les principes du catholicisme, mais de s’engager dans la vie publique et d’œuvrer pour les faire advenir.  


  1. Le toast d’Alger 

Le but de Léon XIII est donc clair : amener les catholiques Français à cesser d’identifier leur cause à celle de la monarchie. Pour cela il peut compter sur des alliés de poids, notamment le très populaire cardinal Lavigerie. Archevêque d’Alger et de Carthage, missionnaire, serviteurs des pauvres, connu dans le monde entier pour son engagement contre l’esclavage, il est reçu en audience par le Pape du 10 au 14 octobre 1890 et reçoit la mission de diffuser dans l’opinion publique l’idée du Ralliement. 


Un mois après son audience avec Léon XIII, le 12 novembre 1890, alors qu’il donne une réception pour les officiers de l’état-major de la Marine Française, très majoritairement monarchistes, il affirme avec force :  


« Quand la volonté d'un peuple s'est nettement affirmée, que la forme d'un gouvernement n'a rien de contraire, comme le proclamait dernièrement Léon XIII, aux principes qui peuvent faire vivre les nations chrétiennes et civilisées, lorsqu'il faut, pour arracher son pays aux abîmes qui le menacent, l'adhésion sans arrière-pensée à cette forme de gouvernement, le moment vient de sacrifier tout ce que la conscience et l'honneur permettent, ordonnent à chacun de sacrifier pour l'amour de la patrie. […] C'est ce que j'enseigne autour de moi, c'est ce que je souhaite de voir imiter en France par tout notre clergé, et en parlant ainsi, je suis certain de n'être démenti par aucune voix autorisée »


On retrouve dans cette déclaration les grands principes de la philosophie politique de Léon XIII : accepter un mariage de raison avec les républicains modéré pour combattre de l’intérieur de la République le radicalisme anticlérical et œuvrer à la transformation du pays.  

 La déclaration de Lavigerie entraine la stupéfaction et initie une grande controverse dans le pays. Si les républicains accueillent plutôt favorablement l’initiative du cardinale, les monarchistes eux crient à l’apostasie. Peu d’évêques se rallient à cette déclaration, l’épiscopat oscillant entre réserve et opposition. Mgr Freppel, évêque d’Anger, est l’opposant le plus hostile : comment les catholiques pourraient-ils accepter un régime athée qui les a tant persécutés ? Les blessures causées par les lois anticléricales de Ferry ne sont pas encore guéries et les catholiques sont majoritairement hostile à cette idée. 


Une nouvelle proposition émerge dans le clergé le 2 mars 1891 autour de Mgr Richard, archevêque de Paris. Dans un texte intitulé Réponse à d’éminents catholiques sur leur devoir social dans les circonstances actuelles, il conseil aux catholiques de ne pas attaquer les institutions et de s’unir sur le terrain religieux. Ce qui est proposé c’est la neutralité comme alternative au ralliement.  


  1. « Au milieu des sollicitudes » 

Le Souverain Pontife ne cède pas. Jugé trop proche des légitimistes, le nonce apostolique Mgr Di Rende est remplacé par Mgr Ferrata, proche du cardinale Lavigerie et entièrement acquis à Léon XIII. Il mène une diplomatie conciliante, intervenant dans les conflits entre l’épiscopat et le gouvernement dans le but d’apaiser les relations entre le Saint Siège et la France, apaisement dont ne veulent ni les radicaux ni les monarchistes. 

Pour débloquer la situation le pape prend la parole clairement, d’abord de manière informelle dans un entretien accordé au Petit Journal le 14 février 1892 puis très officiellement dans l’encyclique, rédigé en Français : « Au milieu des sollicitudes », publié deux jours plus tard. 


Sa position est très claire, les catholiques français doivent accepter la République et sortir d’une attitude d’opposition systématique :  

« Lorsque les nouveaux gouvernements qui représentent cet immuable pouvoir sont constitués, les accepter n’est pas seulement permis, mais réclamé, voire même imposé par la nécessité du bien social qui les a faits et les maintient. D’autant plus que l’insurrection attise la haine entre citoyens, provoque les guerres civiles et peut rejeter la nation dans le chaos de l’anarchie. Et ce grand devoir de respect et de dépendance persévérera, tant que les exigences du bien commun le demanderont, puisque ce bien est, après Dieu, dans la société, la loi première et dernière. »

 

On y retrouve tous les grands principes de sa doctrine politiques : nécessité impérieuse de s’opposer à ceux qui veulent combattre l’Eglise, distinction entre pouvoir constitué et législation et affirmation que l’on peut accepter le premier tout en combattant la seconde, devoir des chrétiens et de tout citoyens d’œuvrer à la concorde et à l’unité sociale, autorité et indépendance absolue de l’Eglise en matière spirituelle.  


Finalement le pape ne croit ni à la restauration, ni à la création d’un parti catholique qui raviverait dans l’opinion la crainte du cléricalisme et donnerait le pouvoir aux radicaux (comme en 1877), il espère en demandant le ralliement la constitution d’un bloc conservateur, centriste, alliant catholiques et républicains modérés pour faire barrage aux radicaux.   


  1. Un ralliement sans réconciliation 

    1. Des catholiques encore divisés 

La réception de l’encyclique ne se fait pas sans mal parmi les catholiques. Si les catholiques libéraux n’ont aucun mal à accepter le Ralliement, pour la grande majorité des croyants cela se fait avec de nombreuses réticences. Le député Albert de Mun, légitimiste et promoteur du catholicisme social, consent par fidélité au pape à accepter la République tout en continuant le combat législatif :  


 « En se plaçant sur le terrain constitutionnel, nous sommes catholiques et rien de plus. Nous demandons la révision de la loi scolaire, de la loi militaire [qui imposait le service militaire des clercs], l’abrogation de la loi du divorce et la réintégration des sœurs dans les hôpitaux. »  


C’est, bien entendu, dans les franges les plus intransigeante du catholicisme que les réserves sont les plus importantes. Il est amusant de noter que les partisans de la restauration d’une monarchie chrétienne invoquent la stricte séparation du temporel et du spirituel pour s’opposer à la demande du pape, on observe la tentation d’un retour à une forme de gallicanisme. Ainsi Émile Olivier, ancien ministre de Napoléon III voit dans cette action du pape un retour à « l’augustinisme politique » de la réforme grégorienne : 


« Que de Rome on prescrive au clergé d’en haut et d’en bas de devenir républicain dans l’intérêt de la religion, rien de plus naturel. Qu’on veuille, au contraire, détruire ou enchaîner le libre arbitre politique du laïque, c’est un des procédés théocratiques du moyen âge contre lesquels toutes les sociétés se sont insurgées. Quoi qu’en dise [l’Osservatore romano], un pontife d’une âme aussi haute et d’un esprit aussi perspicace que Léon XIII ne saurait, en ces jours de démocratie, rêver le retour au sentiers périlleux sur lesquels, en temps plus propice, trébuchèrent Grégoire VII et Boniface VIII» 


Du côté des évêques on connaît la même hésitation. A leurs propres opinions politiques s’ajoute pour l’épiscopat la dépendance économique de l’Eglise aux dons des fidèles et particulièrement des grandes familles de la noblesse monarchiste. Ainsi, Mgr Turinaz, évêque de Nancy confesse que s’il se ralliait à la République alors il n’aurait plus les moyens de continuer les œuvres de son diocèse13. Seul une minorité d’évêque clame son entière satisfaction et son ralliement, pour une grande majorité d’autre on se rallie du bout des lèvres tout en tordant parfois le texte pour ne pas renier ses attachements monarchistes. 

Toutefois dans la lettre adressée aux cardinaux Français Notre consolation, du 3 mai 1892, le pape fait état d’une lettre par laquelle tout l’épiscopat français déclare adhérer à l’encyclique « Au milieu des sollicitudes » : 


« Notre consolation a été grande en recevant la Lettre par laquelle Vous adhériez, d’un concert unanime, avec tout l’épiscopat français, à Notre Encyclique au milieu des sollicitudes, et Nous rendiez grâces de l’avoir publiée, protestant avec les plus nobles accents de l’union intime qui relie les évêques de France et en particulier les cardinaux de la Sainte Église au siège de Pierre. »

 

Même si la demande a du mal à être acceptée par les évêques ceux-ci n’osent pas remettre publiquement en cause le Pontife Romain, et aucun ne défie son autorité. Si le succès du ralliement n’est pas acquis, au moins toute prétention gallicane est écartée. La crise du ralliement révèle que l’autorité du Pape sur l’Eglise de France est définitivement assurée. 


  1. Les conséquences des élections de 1893 et les méfiances des républicains 

Les élections législatives de 1893 se solde par un échec des candidats du ralliement, seulement 32 députés élus. La forte poussée de l’abstention, notamment dans les circonscriptions traditionnellement catholiques de l’ouest, témoigne du trouble parmi les fidèles qui jusqu’alors votaient pour les candidats monarchistes.  


Toutefois, le faible score du ralliement s’accompagne d’un effondrement des parties monarchiste ce qui modifie profondément les dynamiques de la vie politique française. L’entrée de quarante députés socialistes à la chambre place désormais le danger à l’extrême gauche de l’échiquier politique. Désormais on peut s’affirmer comme opposant aux radicaux anticléricaux sans être immédiatement apparenté à une nostalgique de l’Ancien-Régime. La République cesse d’être l’apanage de la gauche et une droite républicaine émerge.   


Le « ministère Méline » (avril 1896 – juin 1898), semble concrétiser les espoirs de Léon XIII et marquer le succès de sa stratégie. Inquiet de la poussée des socialistes, les républicains modérés font appel aux ralliés pour composer une majorité avec eux sur la base de la défense sociale et de l’apaisement religieux.  


Cependant ce rapprochement avec les ralliés n’est pas aux goûts de tous les républicains qui voit dans le ralliement une nouvelle stratégie visant à établir un pouvoir « cléricale ». Méline est accusée par son aile gauche d’être trop réactionnaire et cléricale. La création du parti démocrate-chrétien en 1896 est, elle aussi considéré avec méfiance, d’autant que son premier député, élu en lors d’une législative partiel en 1897 est un prêtre, l’abbé Gayraud qui est élu face au comte de Blois, légitimiste et réfractaire au ralliement. 

Le nouvel échec des législatives de 1898 entraine la chute du ministère Méline et la fin de l’alliance centriste des modérés et des ralliés. Le retour des radicaux au pouvoir et l’affaire Dreyfus vont enterrer tout espoir d’apaisement. 


  1. Les conséquences de l’affaire Dreyfus 

L’affaire Dreyfus secoue la France à partir de janvier 1895, date de la publication de la fameuse tribune « J’accuse » par Émile Zola dans le journal l’Aurore. A la suite de cette publication l’antisémitisme se déchaine en France. Cet antisémitisme est partagé en France par l’immense majorité des catholiques : chez les conservateurs pour des raisons politiques et religieuse (peuple déicide, fantasme d’un complot juif), chez les catholiques sociaux pour des raisons économiques (l’image du financier juif responsable de tous les maux). Très peu de catholiques prennent la défense du capitaine, seul Péguy fait figure d’exception. Si la plupart des dignitaires catholiques prétextent le devoir de réserve, leur refus de condamner les exactions contre les juifs passe pour une approbation tacite. Même après la reconnaissance de la tromperie du Commandant Henry, les catholiques, soucieux de défendre l’honneur de l’armée, demeurent antidreyfusards et s’opposent à la révision du procès. Soutenu par le journal La Croix, les incidents causées par les ligues nationalistes se multiplient et la perspective d’un coup d’état devient de plus en plus plausible. 

 

La gauche, devenue dreyfusarde devant la mise en lumière de la supercherie et la menace nationaliste s’attache à la défense de l’ordre républicains menacé par les ligues. L’antimilitarisme et la lutte contre l’antisémitisme deviennent alors des éléments importants de la gauche française, même modéré. Si l’affaire Dreyfus n’est pas un conflit religieux elle ravive les tensions entre catholiques et républicains, l’antisémitisme de la grande presse catholique attisant l’anticléricalisme de la gauche socialiste et républicaine. L’affaire Dreyfus clôt la page du Ralliement et ouvre un nouvel épisode de conflit entre l’Eglise et l’État. 


Conclusion : 

La tentative de Léon XIII de conduire les catholiques à se rallier à la République se solde par un échec. Près l’affaire Dreyfus l’opposition entre catholique et anticléricaux et plus vive et violente que jamais. Le gouvernement d’Émile Combes se démarquera par son anticléricalisme militant et préparera la voie à la loi de séparation de 1905 qui sera le point d’orgue du conflit entre l’Eglise et la République. 

Toutefois la réconciliation aura lieu à la faveur de la Grande Guerre, communiant dans les tranchées à un même destin, mourant côte à côte pour la défense de la patrie catholiques et républicains mettront leurs divergences de côté pour travailler ensemble à la défense puis au redressement du Pays. La figure de Sainte Jeanne d’Arc modèle de foi et héroïne nationale devient un des symboles communs qui marquent cette réconciliation.

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