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Photo du rédacteurClément Barré

Des théologies dans leurs contextes - partie 2 : Les théologies féministes

Dernière mise à jour : 14 mars

Après la théologie de la libération, un sujet facile et consensuel : les théologies féministes. La méthodologie reste la même : nous apprécions le contexte dans un premier temps puis les thèses et enfin l'apport du magistère.


i. Contexte

Les théologies féministes se développent essentiellement dans les universités d’Amérique du nord dans le sillage du développement des études de genre et des sociologies féministes qui prennent de plus en plus d’importance dans les universités américaine et canadiennes à partir des années 60.


Ces théologies accompagnent également les mouvements d’émancipation des femmes qui marque tout le 20ème siècle et la dénonciation de structures sexistes dans la société et dans l’Eglise.


Les théologies féministes naissent aussi dans le contexte des théologies de la libération qui attire l’attention des théologiens sur les formes systémiques d’oppressions. Les théologies féministes se présentent comme des théologies de la libération appliqués à la situation des femmes dans l’Eglise et la société.


ii. Théologies de la femme et théologies féministes


Au sein de ce contexte il faut distinguer deux réalités : les théologies de la femme et les théologies féministes.


Les théologies de la femme sont des réflexions théologiques classique ayant la femme pour objet. C’est en fait une anthropologie chrétienne ayant la femme pour objet spécifique. Elle existe dans l’Eglise depuis l’époque des Pères de l’Eglise et a connu un regain de vigueur dans la deuxième moitié du XXème siècle, notamment par les travaux de S. Jean Paul II (la théologie du corps et l’encyclique Mulieris Dignitatem). Généralement les théologiennes féministes critiquent ces thèses comme étant marqué par la structure patriarcale, leur reprochant d’être un discours de plus fait par des hommes sur les femmes pour leur dire quelle doit être leur place.


La théologie féministe se revendique comme étant une théologie critique et une théologie de la libération, elle se développe généralement en marge du magistère (voir contre lui, y compris chez des auteurs se revendiquant du catholicisme) et de la théologie classique. « La théologie féministe est une théologie de femme, par les femmes, pour les femmes : influencé par le féminisme, elle se fonde sur l’expérience de l’oppression de la discrimination et de la marginalisation féminines, avec pour objectifs de dénoncer, critiquer et combattre le patriarcat dans la société, dans l’Eglise et dans les relations interpersonnelles. Elle s’efforce à la fois de penser la pratique libératrice des femmes et de faire travailler le christianisme pour la libération des femmes, alors que le sexisme mâle l’a réquisitionné comme garant de la domination masculine [1] ».


iii. Thèses


La théologie féministe ne se présente pas d’abord comme un corpus de doctrine mais plutôt comme une méthode critique. Pour Elisabeth Schüssler Fiorenza, qui est souvent vue comme la mère de la théologie féministe : « la théologie chrétienne, la tradition biblique et les églises chrétiennes sont coupables du péché structurel du patriarcat sexiste, raciste… Qui perpétue et légitime l’exploitation et la violence sociétale des femmes[2] » La théologie féministe est une méthode critique permettant de dénoncer et de dépasser cet androcentrisme. « Une théologie féministe critique de la libération n’appuie pas le fait de demander l’intégration des femmes dans les structures ecclésiales patriarcales, ni une stratégie séparatiste, mais elle travail à la transformation des symboles chrétiens, de la tradition et de la communauté aussi bien que des femmes elle-même [3] ».


Pour cela, la théologienne est appelée à recevoir les textes bibliques avec une herméneutique particulière qui comporte quatre temps. D’abord le temps du soupçon : les textes ayant été écrits dans un langage masculin relevant d’une culture patriarcale il faut s’attacher à les déconstruire. Ensuite le temps du souvenir qui s’attache à reconstruire la réalité historique des femmes les faisant passer de personnes marginalisées à actrices de l’histoire. Après le temps de la proclamation qui consiste à porter un jugement éthique sur les textes canoniques, discernant ceux qui sont porteur de vie et bons pour tous et toutes et qui peuvent être proclamés comme Parole de Dieu et ceux qui, marqués par les relations patriarcales de dominations doivent être rejetés. Enfin le temps de l’imagination qui consiste à rendre présent et célébrer les souffrances, les luttes des femmes du passé pour leur redonner la parole. [4]


Cette critique entraîne certaines théologiennes à rejeter radicalement le discours biblique et traditionnel sur Dieu qu’elles jugent marqué par le masculin et le patriarcat. Le nom de « Père » est rejeté non pas pour des raisons théologique ou exégétique mais à cause « des effets de ce concept dans la religiosité et les mentalités populaire »[5]. Elles s’efforcent de développer un discours féminin sur Dieu : Dieu-Mère, Dieu-Sœur, Dieu-Amie, Dieu Sage-femme ou encore d’utiliser des termes non personnalistes (Esprit, souffle, eau…)

Dans ses formes les plus radicales et post chrétienne, la théologie féministe aboutit soit à un panthéisme (écoféminisme) soit à une théalogie (culte de la Déesse). Ce sont des formes de néo gnosticisme dont la religion vise à abolir la discontinuité entre le monde et le divin, une fusion avec une divinité matricielle englobante (mère nature etc.) [6]


iv. Appréciation magistérielle

Il n’y a pas encore de prise de parole marquante du magistère sur les théologies féministes en tant que telle. Mais le magistère a, en parallèle développé une riche théologie de la femme qui montre une prise de conscience de l’enjeu que représente la place des femmes dans l’Eglise.


L’herméneutique féministe est abordée dans le document de la Commission biblique pontificale sur « L’interprétation de la Bible dans l’Eglise ». Le document distingue 3 approches au sein de l’herméneutique féministe :

- L’approche radicale qui voit la bible comme le produit des structures patriarcales, et un outil de domination de l’homme sur la femme et la rejette en bloc.

- L’approche néoorthodoxe qui accepte le caractère prophétique de la Bible dans la mesure où elle peut servir la cause de la libération des femmes et qui élabore « un canon dans le canon ».

- L’approche critique qui entend découvrir le rôle et la position des femmes dans le groupe des disciples et dans les premières communautés chrétiennes. Elles entendent montrer que l’égalitarisme initial a rapidement été occulté et masqué par le patriarcat et l’androcentrisme de l’époque, éloignant l’Eglise du projet divin.


Le texte reconnaît un certain nombre d’apports positifs à l’exégèse féministe : part plus active des femmes à la recherche, meilleure compréhension du rôle des femmes dans la bible, interrogations et découvertes nouvelles, corrections de certaines interprétations tendancieuses qui ont pu servir la domination masculine.


Mais le gros reproche fait à cette méthode est son parti pris : elle entend interpréter le texte biblique de façon tendancieuse, ayant souvent recours à des arguments ex silencio, s’appuyant sur les non-dits du texte ou sur des reconstructions a posteriori qui conduit souvent à rejeter la valeur du texte inspiré au profit d’une idéologie. Ce paragraphe de la note se conclu sur une mise en garde :

« L’exégèse féministe soulève les questions de pouvoir dans l’Eglise qui, on le sait, sont déjà objet de discussions et même d’affrontement. En ce domaine, l’exégèse féministe ne pourra être utile à l’Eglise que dans la mesure où elle ne tombera pas dans le piège qu’elle dénonce et où elle ne perdra pas de vue l’enseignement adressé par Jésus à tous ses disciples, hommes ou femmes[7] »

[1] Alice DERMIENCE, Théologie de la femme et théologie féministe in Revue théologique de Louvain, 31-4, 2000 p.497 [2] Louise MELANCON, La théologie féministe comme théologie critique – pratique et interprétation de la bible selon Elisabeth Schüssler Fiorenza, Laval théologique et philosophique, 52-1, 1996, p.56 [3] idem [4] Cf. idem p.58 [5] Alice DERMIENCE, Théologie de la femme et théologie féministe in Revue théologique de Louvain, 31-4, 2000 p.506 [6] Cf. idem p. 508 [7] Commission biblique pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Eglise, 1993 1.E.2 https://www.catho-bruxelles.be/wp-content/uploads/2015/11/Commission-biblique-pontificale-1993-42p.pdf consulté le 07/03/2020

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