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Photo du rédacteurClément Barré

Pour ou contre ? Homélie du 26ème dimanche du temps ordinaire année B

Textes du jour : Nb 11, 25-29 ; Ps 18 ; Jc 5, 1-6 ; Mc 9, 38-48

Il est des fois où l’acclamation de l’évangile nous reste un peu en travers de la gorge. Heureusement que la liturgie à cette dimension machinale qui nous évite de trop réfléchir à ce que nous disons. Parce que la finale de ce texte ne me donne pas particulièrement envie d’acclamer la Parole de Dieu…


Il est d’ailleurs assez étonnant de voir le changement de ton entre l’ouverture bienveillante de Jésus au début du texte : « qui n’est pas contre nous est pour nous », et l’incroyable sévérité du triple avertissement : « si ton œil, ta main ou ton pied t’entraîne au péché arrache le… » On n’y comprend plus grand-chose tant il semble y avoir une contradiction entre un grande facilité à être identifié comme un disciple de Jésus (« ceux qui nous suivent ») et l’incroyable difficulté à entrer dans la vie éternelle qui impliquerait toute une série de mutilations violentes, car après tout, qui peut prétendre que sa main, son pied où son œil n’ont jamais constitué une occasion de chute.


Et pour nous prédicateurs, disciples missionnaires, fidèles du Christ chargés d’annoncer l’évangile au monde, que devons-nous dire ? Quelle ligne tenir ? Faut-il prêcher la grande ouverture ou bien l’exigence de la conversion ?  La récompense est, comme toujours, « les deux mon capitaine ».


Finalement ce que fait Jésus c’est reconfigurer pour ses disciples les paramètres de l’appartenance à l’alliance. Pour les Juifs qui suivent Jésus, l’alliance avec Dieu est d’abord une question ethnique et héréditaire. Il faut faire partie du peuple élu, être membre du groupe. Et le groupe se démarque de tous les autres par l’observance d’une loi propre qui le maintient à part.


La nouvelle alliance que Jésus est venu sceller est une alliance universelle, qui ne saurait se limiter à un groupe seul. Jésus scelle la nouvelle alliance par son Sang versé « pro vobis et pro multis », « pour vous et la multitude ». Il ouvre à l’humanité entière les portes du royaume de Dieu, faisant de l’humanité toute entière le peuple nouveau que Dieu s’est acquis.


La générosité de Dieu est toujours première : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la Vérité » (1Tm 2, 4) et ce dessein de Dieu de sauver tous les hommes ne doit rencontrer aucune limite, aucun obstacle, aucune barrière. Les apôtres eux-mêmes sont les serviteurs de ce dessein divin, chargés de faire des disciples de toutes les nations. Nul n’est exclu de ce plan divin sinon celui qui le refuse, nul n’est hors du Royaume sinon celui qui refuse d’y entrer : « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous ».


Finalement, la générosité de Jésus se retourne contre ses disciples, et donc contre nous. L’appartenance au groupe n’est la garantie de rien. La frontière n’est plus entre le dedans et le dehors, elle est entre le pour et le contre. Après tout, Judas lui-même fait partie du groupe des Douze tandis que cet inconnu chasse les démons au nom du Christ. L’Eglise se déploie au-delà de ses frontières visibles, tandis qu’à l’intérieur de celles-ci des membres morts n’en finissent pas de se dessécher.


Mais il ne faudrait pas pour autant faire de ce principe de générosité un forme d’open-bar du salut. Car ne pas être « contre lui » est au-delà de nos forces. C’est la réalité du péché originel en nous dont nous faisons l’expérience terrible et qui nous place tragiquement en ennemi de Dieu. Ne pas être contre Jésus, c’est justement lutter contre tout ce qui nous détourne de lui et nous savons combien cette lutte est terrible et exigeante.


Ne pas être « contre Jésus » ce n’est pas vivoter tranquillement se contentant de ne pas trop faire n’importe quoi. C’est consentir à être émondé par lui, à payer le prix de la conversion en acceptant d’être crucifié avec lui. C’est vouloir faire mourir en nous la concupiscence en résistant jusqu’au sang dans notre lutte contre le péché (cf. He 12, 4).


Dans nos fantasmes, nous voudrions que notre relation à Dieu ne comporte aucun prix, une foi sans engagement comme un forfait de téléphonie mobile. Pourtant nous le savons, ce qui ne coûte rien ne vaut rien. Si l’amour de Dieu est gratuit ce n’est pas parce qu’il ne coûte rien mais parce que rien ne peut l’acheter « L’amour est fort comme la mort […] L’homme qui offrirait tous ses biens pour acheter l’amour ne s’attirerait que le mépris » (Ct 8, 5-7). Rien ne peut acheter l’amour de Dieu mais il nous en coûte de l’aimer et de nous laisser aimer, car il n’y a d’amour véritable sans renoncement coûteux.


Finalement, ne pas être « contre Jésus », c’est consentir au renoncement que l’amour implique : renoncer à tout voir, à tout faire, à aller partout… renoncer jusqu’au sang à être tout, à tout connaître et à tout posséder. Ce prix, cet arrachement, ce renoncement c’est le signe que nous lui appartenons, que nous sommes « pour lui » et non « contre lui ». Finalement, la seule chose qui pourrait nous faire douter de l’authenticité de notre foi, c’est de ne jamais avoir souffert à cause d’elle.

Amen

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