Noël, un conte de faits - Homélie du Jour de Noël
- Clément Barré
- il y a 4 jours
- 3 min de lecture
À Noël, il y a une chose dont on ne peut pas se débarrasser : les histoires. Des contes, des légendes, et même — reconnaissons-le — ces téléfilms de Noël où tout est plus ou moins prévisible dès la dixième minute. On sait qui va tomber amoureux, on sait que tout va s’arranger, et on sait très bien comment ça va finir.
Et pourtant… on regarde quand même.
Pourquoi ? Peut-être parce que, au fond, nous espérons toujours que cette fois-ci, l’histoire ne sera pas seulement jolie, mais vraie.
L’Évangile que nous venons d’entendre commence exactement là. Mais il ne commence pas par : « Il était une fois… » Il commence par une phrase vertigineuse : « Au commencement… » L’histoire qu’il raconte, nous dit quelque chose d’inouïe : « Le Verbe s’est fait chair. »
Pourquoi continuons-nous à raconter des histoires ? Des récits où la lumière affronte les ténèbres ? Où un innocent sauve le monde ? Où l’amour est plus fort que la mort ? Pourquoi même quand le monde perd la foi, il n’arrête pas de les raconter ?
Mais si ces histoires nous touchent autant, c’est que, même si leurs personnages appartiennent à notre imagination, ce qu’elles racontent la dépasse. Elles portent en elle une nostalgie. Comme si le cœur humain portait en lui la mémoire d’une histoire plus grande que toutes les autres, gravée au plus profond, et qu’il ne pourrait jamais oublier.
Imaginons un instant que tous les personnages de contes et de légendes se mettent en marche vers Bethléem. Les héros grecs et les supers héros américains, les elfes de Tolkien et les animaux de Narnia, les sorciers d’Harry Potter et les Jedi de Star Wars. Imaginez-les, sur les chemins de Béthléem, comme les rois mages venus de contrées lointaines, portant leurs présents jusqu’à l’enfant.
Regardez les arriver à la crèche : Le héros fatigué qui a vaincu le mal au prix de sa vie. Le roi bon et juste qui dona sa vie pour son royaume. La reine sage mais impuissante devant la mort. Le pauvre, le banni, le monstre incompris, le chevalier fidèle, le sage qui savait tant de choses mais cherchait encore l’essentiel.
Tous s’approchent. Et regardant cette enfant, ils comprennent. Tous ce qu’ils sont, tout ce qu’ils portent, tout ce qu’ils cherchaient à dire, maladroitement, péniblement, tous ce qu’ils pressentaient sans pouvoir l’accomplir. Tous ce qu’il ya de grand, de beau, de vrais dans leurs histoire. Tout est là. Dans cette enfant, ils trouvent nons seulement leur accomplissement, mais leur vérité.
Car Noël EST un conte. C’est un conte de fait. Noël c’est le conte devenu fait.
Ce que l’humanité a raconté pendant des siècles, Dieu l’a vécu. Ce que les mythes annonçaient sans pouvoir le réaliser, Dieu l’a accompli — non pas en rêve, mais dans la chair.
Le Verbe s’est fait chair. Et quand le Verbe se fait chair tout nos récits deviennent histoire
Cette parole de Dieu elle n’est pas lointaine. Il a pris un corps. Il est entré dans le temps. Il a accepté la fragilité, la souffrance, la mort. Non pas pour abolir le monde, mais pour le sauver de l’intérieur.
Et cette logique ne s’arrête pas à la crèche. Elle continue. Car si le Verbe s’est fait chair, alors il peut encore aujourd’hui se donner de manière humble, réelle, offerte.
Le verbe s’est fait chair et cette chair se donne en nourriture. Ce n’est pas pour rien que c’est dans une mangeoire que l’enfant est couché. Dans l’Eucharistie, ce n’est pas une idée que nous recevons. C’est le conte qui devient notre vie. C’est le même mystère de Noël porté à son accomplissement.
Un jour, l’écrivain Tolkien écrit cela à son fils pour l’aider à traverser la nuit et la tentation.
**« Au milieu des ténèbres de ma vie, si souvent frustrée, je te propose une seule grande chose à aimer sur cette terre : le Saint-Sacrement.
Là, tu trouveras la romance, la gloire, l’honneur, la fidélité et la vraie voie de tous tes amours sur la terre ; et plus encore : la Mort — par le paradoxe divin — qui met fin à la vie et exige le renoncement total, mais dont le goût — ou plutôt l’avant-goût — est le seul moyen par lequel ce que tu cherches dans tes relations terrestres (l’amour, la fidélité, la joie) peut être conservé, ou recevoir cette qualité de réalité, cette endurance éternelle que désire le cœur de tout homme. »**
Ce que nous cherchions dans les histoires, dans les contes, dans les récits qui nous font espérer, est ici.
Non seulement raconté. Mais donné.
Le Verbe s’est fait chair. La chaire s’est faite pain. Et aujourd’hui encore, Dieu se donne à nous.
Amen.






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