Homélie pour la messe du jour de Noël
Textes de la messe : Is 52,7-10 ; Ps 97 ; He1, 1-6 ; Jn1, 1-18
Au commencement était le Verbe, Parole éternelle que Dieu murmure dans son Souffle. Parole et Souffle, éternellement liés dans le mystère de Dieu Trinité. Dieu qui dit lui-même son mystère, mystère qui se dit dans un Souffle. Mystère, Parole et Souffle, un seul Dieu. Dieu tout entier donné dans Sa Parole, Dieu tout entier vivant dans son Souffle.
Et voici que ce Verbe retentit hors de lui-même. Dieu dit « Lumière » et la lumière fut. La Parole qui jaillit dans le vide et le Souffle qui plane sur les eaux se font les instruments avec lesquels Dieu crée. Parole et Souffle, comme une symphonie qui retentit dans le néant du monde et tisse cette création que Dieu veut contempler et aimer et par laquelle il veut être contemplé et aimé. « Et rien de ce qui fut fait, ne s’est fait sans lui… » Soleil et lune, pluies et rosées, feux et chaleurs, vieillards et petits enfants… Tous sont le reflet de cette gloire du Verbe, voulu par grâce et pour la vérité, appelés à la vie et à la lumière.
Mais la tragédie se noue. « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reconnu ». Parole qui se heurte au cœur dur de celui qui refuse de l’entendre. Qui la recouvre, la noie dans le bruit d’autres mots, d’autres discours. Un flot de mots déversés pour faire taire le Verbe.
Alors le Verbe reflue dans le silence et au désert parle au cœur d’un seul homme. Noé, Abraham, Moïse, David… Et dans le cœur des hommes la parole devient récit. Récit d’une longue alliance, récit de prophètes et de Roi, récit de salut pour les hommes qui La cherche. Et, en ces temps qui sont les derniers, ce récit se raconte dans un Fils d’homme. La Parole se fait chair, elle vient jusqu’à nous qui refusions d’écouter. Elle habite parmi nous, et si nous ne pouvons l’entendre, nous pouvons la voir, la toucher, la manger. Parole faite visage, Parole faite nourriture !
Un seul Verbe qui dit tout. « Le Père n’a dit qu’une Parole, qui fut son Fils, et il l’a dit toujours en éternel silence et c’est dans le silence qu’elle peut être écoutée de l’âme[1] ». Une seule Parole que Dieu murmure dans son Souffle éternel. Une parole qui dit tout son mystère : Jésus, Dieu Sauve. Parole unique, totale, définitive dans laquelle se trouve tout ce que Dieu est. Jésus, Dieu Sauve !
Et voici que cette parole peut de nouveau être écoutée ! Elle est descendue jusqu’à nous, elle s’est faite chair. Elle s’est livrée à nous :
Elle s’est faite chair et nous pouvons l’entendre à l’extérieur de nous-même. Venue dans notre monde, la Parole s’exprime avec les mots d’une langue humaine. La Parole unique et éternelle va prononcer des paroles multiples et fugitives. Le Verbe fait chair se dit dans des paroles charnelles.
Mais c’est aussi pour que nous l’accueillions en nous-même que la Parole se fait chair. Pour que nous puissions la prendre tout entière, avec le souffle dans lequel elle se dit. Et dans le même souffle, l’ayant prise, la rendre à Dieu en notre nom. Comme la Vierge Marie, comme St Joseph, comme le vieillard Siméon, dans cette communion je prends en moi cette parole éternelle, pleine de grâce et de vérité, et je peux la rendre à Dieu à la place de mes paroles fausses, bruyantes, menteuses. Le Verbe en moi peut parler à Dieu : « Me voici. » « Parle Seigneur ton serviteur écoute. » « Je suis la servante du Seigneur. » « Mon Seigneur et mon Dieu ».
La Parole faite chair nous donne de tout posséder : les paroles de Jésus et la Parole qu’est Jésus. Et c’est par ce que nous avons tout reçu, que par lui nous possédons tout, que nous pouvons nous aussi être appelé Fils, nés de Dieu, engendrés dans sa Parole, baptisés dans son Souffle.
Le Verbe s’est fait Chair, il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire. Amen !
1 Saint Jean de la Croix
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