Référence des textes : Ba 5, 1-9 ; Ps 125(126) ; Ph1, 4-6.8-11 ; Lc 3, 1-6
Il est difficile aujourd’hui de ne pas lire ces textes de l’Ecriture à la lumière de l’évènement qu’est en train de vivre le diocèse de Paris et qui résonne dans tout le pays. Je pense que chacun d’entre nous se souviens où il était ce 15 avril 2019 vers 20h quand nous avons vu la flèche de Violet le Duc s’effondrer. Et si l’émotion causée par l’incendie a été nationale, et même internationale, il est bien normal que la joie de sa réouverture nous entraîne tous.
Alors, les paroles du prophète Baruc qui parlent du retour d’exil éclairent notre joie. Oui pour tous les croyants de Paris et d’ailleurs cette réouverture c’est la fin d’un exil, le retour à la maison enfin réouverte. Dieu rassemble à nouveau son peuple dans cette demeure dont il a déployé la splendeur partout sous le ciel. Le monde entier se réjouit pour le diocèse de Paris qui voit son temps en exil enfin finir !
Pourtant je dois vous confesser un certain malaise. Je relisais hier soir l’Evangile pendant que je regardais l’arrivée des personnalités venues du monde entier dans cette cathédrale et je ne pouvais m’empêcher de faire un parallèle avec le début du texte.
En effet, l’évangéliste Luc prend grand soin de désigner tous les souverains de la terre pour planter le décor de son récit mais avec une certaine ironie : Tibère l’empereur au nom duquel Jésus sera crucifié, Pilate et Hérode qui s’en laveront les mains et fraterniseront dans l’injustice de ce crime, Hanne et Caïphe qui prononceront la sentence… Et je voyais tout les puissants de ce monde se rassembler sous les voûtes de Notre Dame : ceux qui fournissent les bombes qui tombent sur Gaza ou Alep, ceux qui inscrivent dans la constitution le meurtre de l’enfant à naître, ceux qui veulent maintenant faire mourir les personnes trop malades ou handicapées… Et je ne pouvais m’empêcher de me demander : « mais où donc est Jean Baptiste ? »
Car même si l’archevêque de Paris a cru bon de se revêtir de poils de chameau taillés, pour l’occasion, par un grand couturier, quand Dieu a voulu faire connaître sa venue, ce n’est pas dans les palais des puissants ou sous les colonnes du Temple qu’il a fait retentir la voix, mais dans le désert. Là ou aucun cri, aucune mondanité, aucun brouhaha ne vient parasiter cette annonce. Dans ce désert où il n’y a ni préséance, ni politique, ni diplomatie. Dans ce désert où personne n’est laissé sous la pluie à la porte d’entrée, où peuvent venir les petits comme les grands, les faibles comme les puissants… Tous ceux qui désir entendre cette parole, dure mais nécessaire : la conversion.
Qui osera encore se tenir face au monde en l’interpellant comme le faisait Jean ? Qui osera encore nous dire ce que nous avons besoin d’entendre ? Convertissez-vous ! Produisez des fruits de repentir ! Elle vient la colère de Dieu, déjà la cognée se trouve à la racine de l’arbre et tout arbre qui ne produit pas de bon fruit sera jeté au feu !
Qui osera rappeler que les voûtes millénaires que l’on réouvre aujourd’hui ne sont pas juste le témoignage d’un savoir faire artistique ou artisanale, ne sont pas seulement le fruit d’une volonté humaine. Qu’elles n’appartiennent pas aux puissant de ce monde qui s’en gargarisent pour exalter un génie français et humain qu’ils ne comprennent pas.
Car si nos pères ont élevé de si hautes flèches ce n’est pas par vanité mais pour que nos regards se détournent un instant de la terre et s’élèvent vers le ciel. S’ils ont construit une nef si grande ce n’est pas par démesure c’est pour que tous les pauvres puissent y trouver leur place. S’ils ont prévu des recoins sombre ce n’est pas par esthétisme, c’est pour que les pécheurs puissent venir pleurer sur eux-mêmes et implorer la miséricorde du Seigneur. S’ils ont prévu des piliers aussi large ce n’est pas par nécessité technique, c’est pour que, un soir de Noël 1886, le poète Claudel puisse s’y cacher alors que Dieu vient le toucher au cœur. Que ce bâtiment n’est rien sans Celui qui y habite et ceux qui veulent le rencontrer.
Mais pour entrer dans cette cathédrale, encore il faut passer sous son porche qui représente le jugement dernier. Jugement de miséricorde pour ceux qui ont accueilli ce Verbe que porte la voix de Jean, jugement de justice et de colère pour ceux qui l’auront ignoré.
Une cathédrale ce n’est pas un palais d’or où se pavanent les orgueilleux seigneurs de la terre. Une cathédrale c’est une crèche où se rassemble les bergers comme les mages autour de cette mangeoire où le Seigneur vient comme un enfant pour être notre nourriture. Ceux qui peuvent prendre part à ce festin, ce sont ceux qui auront accueilli la parole de Jean, ceux en qui Dieu aura aplani les collines et comblé les ravins, ceux qui se seront laissé rassemblé par Dieu.
Convertissons-nous ! Croyons à l’Evangile ! Que celui qui a commencé en nous un si beau travail, le mène à son achèvement !
Amen
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