Référence des textes : Is 43, 16-21 ; Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11
Chers frères et sœurs,
Il y a parfois des détails dans l’écriture qui semble insignifiants, et qui nous font nous demander pourquoi l’auteur à t-il prit la peine de les ajouter. Par exemple, pourquoi le prophète Isaïe prend il le temps de préciser que les animaux sauvages qui louent le Seigneur sont le chacal et l’autruche. Et si finalement cette histoire que nous connaissons si bien était une histoire de chacals et d’autruche.
Jean de la Fontaine aurait pu, ainsi, nous raconter cette histoire :
Le lion dans son palais y rassemblait sa cour
Pour dispenser paroles de paix, de joie, d’amour
Mais les chacals qui au lion voulaient chercher querelle
Jetèrent devant lui une autruche que les ailes
Et le désir avait menée hors de son nid
« Nous la surprîmes, dirent-ils, avec un autre oiseau
Hors de son nid, loin de ses œufs. La loi des animaux
Est formelle. Il faut la mettre à mort !
Toi, que dis-tu, vas-tu nous donner tort ? »
Et les chacals préparaient l’halali.
Le lion garda silence mais descendit de son trône
De sa patte sur le sable il traçait une icône
Pendant que les chacals de toute part le pressaient
« Si jamais l’un de vous, dit-il, est sans péché
Qu’il soit le premier à se jeter sur elle »
Et nul ne se jeta sur l’autruche infidèle.
Qui parmi eux aurait pût affirmer
Qu’il soit dans la jeunesse ou la maturité
N’avoir jamais commis le moindre mal.
Et le lion se tourna vers le pauvre animal
Qui gisait à ses pieds et lui dit :
« Autruche ! Tous sont-ils donc parti ?
Personne ne s’est trouvé la force de te punir »
« Personne Seigneur » répondit l’oiseau
« Moi non plus » lui dit le roi des animaux.
Retrouve ton nid, tes œufs, tes autruchons
Sois libre du passé et du qu’en dira t-on.
Va et sois fidèle !
Les chacals nous les voyons bien : cette meute d’homme affamés, la bave au lèvre, l’œil injecté de sang et qui n’attendent qu’une chose : que la victime cesse de se débattre, abdique pour pouvoir l’achever et s’en repaître. Mais ne nous y trompons pas, c’est une autre proie qu’il vise. La douleur de celle qu’ils amènent devant Jésus ne les intéresse pas. Son péché, réel ou présumé, la justice même… tout cela n’a, à leurs yeux aucune importance. Cette femme c’est un instrument, vidée même de son humanité et réduite au rôle d’appât ! Un appât destiné à piéger la proie que les chacals chassent depuis des mois et qui se dérobe sans cesse.
Les chacals sont des opportunistes et des charognards. Des opportunistes parce qu’ils attaquent toujours en meutes et s’en prennent de préférence aux proies malades ou blessés. Et des charognards parce que fautes de proie suffisamment vulnérables il se nourriront sur des cadavres. Et les chacals que nous voyons dans cette page d’évangile c’est sur la dépouille de la Loi qu’ils prospèrent. La loi, le premier don de Dieu à son peuple qui devait lui donner vie et liberté, ils ont fini, à force de la vider de son esprit, de sa substance, par en faire une charogne.
Mais la réponse de Jésus leur fait perdre tous leurs moyens ! Cette loi a laquelle vous vous référez, cette justice intransigeante que vous entendez appliquer en lapidant cette femme, elle vous condamne tout autant. Si vous levez la main et lui jetez la pierre, alors c’est vous-même que vous condamnez car vous êtes aussi coupable qu’elle !
Saint Paul, était l’un d’eux. Pharisien scrupuleux, observant rigoureux de chacun des préceptes de la loi jusqu’à s’autoproclamer l’instrument de la vengeance divine. Il comprend dans une expérience bouleversante : son respect scrupuleux de la loi l’a conduit à persécuter celui qui est l’auteur de la loi ! Il comprend alors que cette loi vidée de sa substance c’est-à-dire de la charité est, selon son propre terme, « ordure ». Son remède est simple : renoncer à la charogne et s’attacher à ce qui fait vivre : la foi en Jésus Christ mort et ressuscité. La Justice supérieure qui vient de la foi en Jésus n’abolit pas la loi, au contraire elle l’accomplit, la porte à son aboutissement, la rend réellement vivante parce qu’elle l’inscrit au fond du cœur de chacun.
Pour libérer tous les chacals de leurs violences, Jésus va prendre sur lui cette violence, il va s’en faire la victime. Pour étancher leur soif de sang, il va verser son sang. En se donnant, en nous aimant jusqu’à la mort, il prend sur lui la condamnation qui pèsent autant sur cette femme adultère que sur ceux qui veulent la lapider. Il prend sur lui le salaire de notre péché pour qu’en lui nous trouvions la vie qui ne passe pas !
En face de tous ces chacals, nous avons cette pauvre autruche. En hébreux, l’autruche se dit Bath-Yahanèh, ce qui se traduit littéralement par « fille de la voracité ». C’est un des oiseaux impurs que les juifs ne peuvent manger car sa voracité la pousse à se nourrir de tous ce qu’elle trouve. Elle est aussi parfois l’image de la mère indigne parce qu’elle abandonne ses œufs au soleil au lieu de les couver comme les autres oiseaux. Si la priorité de Jésus a été de protéger cette pauvre autruche de la soif de sang des chacals, la vérité de sa vie demeure. Elle est tirée d’affaire mais il lui reste à affronter le regard de cet homme qui se penche vers elle. Sa voracité, son désir désordonné l’a conduite à quitter son nid, à déserter son foyer. La voici exposée aux yeux de tous : impures, pécheresses !
Mais voici que pour elle, comme pour les chacals un nouveau chemin va s’ouvrir : Le seigneur agit puissamment pour elle, la parole qui a guéri les chacals de leurs violences et de leur colère va la guérir de sa faute, de sa culpabilité, de son erreur. Comme l’avait prophétisé Isaïe « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? ». L’autruche n’est plus définie par son acte mauvais, par son passé. Rien n’est effacé, mais tout est pardonné. Il n’est plus besoin de faire mémoire de cette faute car le Seigneur l’a pardonné. Il ne reste que cette parole pleine d’espoir qui ouvre à toutes les nouveautés « Moi non plus je ne te condamne pas ! va et ne pêche plus ».
Chers frères et sœurs, que vous soyez chacal ou autruche, dans sa pâque le christ fait pour vous toutes chose nouvelle. Il vous ouvre un chemin ou vous serez libre, libre de la peine, libre du poids du passé et de la culpabilité, libre de la violence, de la vengeance et du mal ! Le Seigneur trace dans nos désert un chemin nouveau ! Rendons lui grâces tous ensemble, les chacals et les autruches !
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