top of page
Rechercher
Photo du rédacteurClément Barré

"La chèvre de Monsieur Seguin est elle damnée?"

Homélie du 14ème dimanche du temps ordinaire, année A


Chers frères et soeurs,


Vous connaissez sans doute l'histoire de la Chèvre de M. Seguin que raconte Alphonse Daudet dans ces fameuses Lettres de mon Moulin. M Seguin est un berger dont les six chèvres se sont fait dévorer par le loup. La septième, Blanchette, la plus jolie de toutes les chèvres, est la préférée de M. Seguin. Il la chérie, l’entoure de tous les soins dont il est capable, s’assurant qu’elle puisse profiter des meilleurs pâturages et du meilleur fourrage. Mais pour qu’elle ne soit pas elle aussi victime du loup, il la garde en permanence accroché à une longe ou enfermé dans une étable. Mais très vite cette attachement devient une torture pour la pauvre bête qui n’aspire qu’à la liberté de batifoler dans la montagne.


Un matin, profitant d’une défaillance de son maître elle s’enfuit de son étable et part dans la montagne. Elle y passe une journée délicieuse. Broutant les meilleures fleurs, buvant aux sources les plus pures, et s’ébattant avec un jeune et beau chamois. Le soir venu, enivrée par les délices de cette journée, elle refuse de retourner à son enclos. Se croyant plus forte que les six autres chèvres qui l’ont précédée elle décide de faire face au loup, l’affronte toute la nuit mais au matin, à bout de force elle rend les armes et se laisse dévorer par lui.


Ne ressemblons nous pas un peu à la chèvre de M. Seguin?


Il y a quelque chose de paradoxal, et d’un peu choquant dans ce que nous propose Jésus aujourd’hui : “je vous procurerai le repos, prenez sur vous mon joug”. C’est en nous chargeant d’un joug, c'est-à-dire de ce collier pesant qui asservit les bêtes de sommes, que le Christ entend nous procurer le repos. Si cette parole n’était dite par le Christ, alors je crois que la seule réponse sensée serait de prendre nos jambes à notre cou, de tourner les talons et de partir en courant.


Mais voilà, c’est Jésus qui nous parle, et nous savons qu’il ne peut “ni se tromper, ni nous tromper”. Alors sans doute convient-il de le prendre au sérieux.


Saint Paul nous offre déjà une clé de compréhension : “vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas.” Le choix semble tout de suite plus clair : l’emprise de la chair ou bien celle de l’Esprit… Il n’y a pas d’alternative. Le choix devant lequel tout homme est placé n’est pas entre le joug du Christ et l’absence de joug mais entre le joug facile et léger du Christ et tous les autres jougs pesant et douloureux qui prendront sa place.


Car la montagne dans laquelle la chèvre aime batifoler n’est qu’une apparence de liberté. Si la chèvre semble pouvoir y jouir enfin sans aucune entrave, elle n’est en fait que l’esclave des pulsions et des tentations qui l’assaillent. Et si nous aimons romantiser cette liberté factice, c’est oublier que l’amour du berger et ses dons valent bien plus que toutes les jouissances de la montagne. Et que celles-ci conduisent inéluctablement à la souffrance et à la mort sous les crocs impitoyables du Loup.


On attribue souvent à Chesterton cette phrase : “Quand l’homme cesse de croire en Dieu, ce n’est pas pour croire en rien,mais pour croire en n’importe quoi”. Bien qu'on ne retrouve aucune trace dans ses écrits, elle n'en est pas moins vrai.


J'en veut pour exemple un article que je lisais récemment sur les nouvelles pratiques religieuses. Il affirmait qu’en France 10 à 12 millions de personnes consultent au moins une fois par an un professionnel du paranormal (voyant, rebouteux, guérisseur, coupeur de feu…). A titre de comparaison, le nombre de catholique allant à la messe au moins une fois par mois tourne autour de 5 millions. La moitié des jeunes entre 18 et 24 ans croient que le signe astrologique a un fort impact sur le caractère de la personne. Et en échos à la première partie de l’évangile, cette étude met en lumière un lien entre le degré d’étude et le recours au paranormal. Plus une personne a fait d’étude et plus elle sera susceptible de croire au paranormal et d’y avoir recours. L’aveuglement et l’orgueil des sages et des savants…


C’est la tragédie de l’homme, depuis le péché originel. En secouant de ses épaules le doux joug divin, en rếvant à un monde sans Dieu ni maître, il ne fait que se rendre disponible à tous les esclavages que le monde lui proposera.


Mais ce qu’il ne voit pas c’est que ces maîtres devant lesquels il se prosterne, sont des tyrans, des loups voraces qui n’aspirent qu’à le dévorer. Alors que le Christ est un roi juste et victorieux, doux et humble de cœur, pauvre et monté sur un âne. Il vient pour briser la guerre et rétablir la justice. Son joug est aisé et son fardeaux léger car il vient le porter avec nous. Ainsi le joug du Christ n’est plus un poids de souffrance sur nos vies, mais le doux instrument qui nous garde toujours uni à lui. Porter le joug du Christ, c'est l’assurance de toujours nous tenir à ses côtés, avec lui.


Alors frères et sœurs, qui voulons nous servir? Quelle joug voulons nous voir peser sur nos épaules?


Seigneur tu es notre Berger, garde-nous toujours uni à toi. Tu es notre roi, étend ton règne sur nos vies. Répands sur nous ton esprit pour faire mourir en nous l’emprise de la chair.


Amen!


95 vues0 commentaire

Comments


bottom of page