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Photo du rédacteurClément Barré

Dieu et César.

Dernière mise à jour : 21 oct. 2023

Homélie du 29ème dimanche ordinaire année A

Textes du jour : Is 45,1.4-6 ; 1th1, 1-5b ; Mt 22, 15-21


« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Voilà qu’en une parole, le Christ aurait inventé la laïcité. Une séparation strict de l’ordre du politique et du religieux, du temporel et du spirituel. L’un et l’autre existant sur deux plans totalement différents : le religieux, c’est la sphère du privé, le politique celle du public.


Cette lecture un peu rapide mais assez répandue du texte de l’Evangile ignore ce qui, pourtant, est le plus évident : la réponse de Jésus nous donne un précepte d’ordre politique. Le Christ, Verbe de Dieu fait homme s’engage dans les affaires humaines. Il ne refuse pas d’y mettre ni la main, ni la parole car, si le Verbe s’est fait chair, ce n’est pas pour mépriser la réalité des affaires humaines. Et nous qui sommes disciples du Dieu fait homme, et qui croyons que notre humanité est appelée à partager la vie divine, nous ne pourrions distinguer strictement l’ordre temporel et l’ordre spirituel à moins de nous amputer gravement d’une part de nous-même.


Il est intéressant de noter que pour poser cette question, les disciples des pharisiens s’allient aux partisans d’Hérode qui collaborent avec l’occupant romain. Cela fait partie du piège tendu à Jésus, quand on lui demande de répondre par oui ou non : s’Il répond oui alors Il enseigne la soumission à l’empereur païen ennemi de Dieu. S’Il répond non alors Il prêche la rébellion et la sédition. Le voici perdant dans les deux cas. Quand nous voulons ramener toutes questions d’ordre dogmatique ou moral à une question de oui ou non, de permis et de défendu, rappelons-nous cet Evangile. Car celui qui cherche vraiment la Vérité ne peut ainsi vouloir contraindre le Verbe. Cette attitude est celle des ennemis de la Vérité, pas celle de ses serviteurs. La foi catholique est faite de « ET », pas de « OU » : Vrai Dieu ET Vrai Homme ; Nature ET Grâce ; Justice ET Miséricorde ; Sacerdoce Commun ET Sacerdoce Ministériel…


Le Christ qui est La Vérité ne saurait se laisser enfermer dans un piège aussi grossier et sa réponse va finalement confondre ses adversaire en mettant en lumière leur erreur. Là où ses adversaires veulent l’écrasement d’un ordre par l’autre, Jésus les exhorte à la justice : rendre à chacun ce qui lui est dû. C’est-à-dire ne pas faire de Dieu un César (écrasement de l’ordre politique par l’ordre religieux, tentation des pharisiens) et à l’inverse, ne pas faire de César un dieu (écrasement du religieux par le politique, tentation des hérodiens).

La première tentation est celle du fanatisme religieux qui pense Dieu comme le garant et l’organisateur de l’ordre social, régissant tous les domaines de la vie et donnant à ses fidèles des droits sur les autres hommes. La seconde est celle du messianisme politique qui ignore la dimension surnaturelle de l’homme et investit la puissance publique de la responsabilité de conduire l’homme à la béatitude que ce soit par la consommation de masse ou par le grand soir et les lendemains qui chantent.


Fidèle à la parole de Jésus, la foi catholique refuse ces deux tentations sans pour autant vouloir la distinction radicale des deux ordres mais plutôt leur union : « sans confusion, ni mélange, ni séparation[1] » car l’un et l’autre appartiennent pleinement à la nature de l’Homme. D’une part le religieux est un phénomène avec une dimension politique qui doit être pris en compte et respecté par les gouvernants. D’autre part les croyants sont invités à prendre leur place dans le monde en raison de leur foi « la politique étant une forme éminente de la Charité »[2]. Les deux ordres du politique et du religieux doivent donc toujours être distingués mais jamais séparés, ce que nous rappelait le Pape Benoit XVI : « Il est en effet fondamental, d’une part, d’insister sur la distinction entre le politique et le religieux, afin de garantir aussi bien la liberté religieuse des citoyens que la responsabilité de l’État envers eux, et d’autre part, de prendre une conscience plus claire de la fonction irremplaçable de la religion pour la formation des consciences et de la contribution qu’elle peut apporter, avec d’autres instances, à la création d’un consensus éthique fondamental dans la société.[3] »


Reste la question à laquelle Jésus ne répond pas : si l’impôt est à César, qu’est-ce qui est à Dieu et que nous devrions lui rendre ? Dans la parole du Christ, c’est parce que la pièce de monnaie porte sur elle la marque et l’effigie de César qu’elle lui est due. Et nous qui sommes créés à l’image de Dieu, nous portons en nous Sa marque depuis les origines, signe que le mystère du cœur de l’homme n’appartient qu’a Dieu et qu’aucun pouvoir humain ne saurait s’exercer sur lui. Signe aussi de notre destinée éternelle, que nous venons de Dieu et retournons vers lui. Car Il a déposé en nous sa marque et son image pour que nous puissions nous offrir à lui « comme un sacrifice vivant et saint capable de plaire à Dieu » (Rm12, 1)

[1] Cf. Concile de Chalcédoine [2] Pie IX [3] Benoît XVI, Discours à l’Elysée – rencontre avec les autorités de l’Etat, 12 septembre 2008

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