Référence des textes : Ex 12, 1-14 ; Ps 115 ; 1Co 11, 23-26 ; Jn 13, 1-15
« Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde les aima jusqu’au bout. »
C'est avec ces mots que la liturgie nous fait entrer dans le triduum pascal. Il est comme résumé dans cette formule si belle et si simple : Jésus nous aima jusqu’au bout. Chaque geste, chaque parole, chaque regard de Jésus au cours de sa Passion est un pas vers la plénitude de l’amour, vers l’amour jusqu’au bout. Amour qui sera consommé totalement quand son cœur ouvert déversera sur le monde le sang qui nous rachète et l’eau qui nous purifie.
La dernière Cène que célèbre Jésus est essentielle à sa passion, elle en comme la clé. C’est par ce geste que Jésus donne à ses disciples de comprendre ce qu’il va vivre dans les jours qui suivent : Jésus qui prend la dernière place, Jésus qui donne son corps et son sang, Jésus qui se révèle aussi comme maître et Seigneur a travers ce geste d’abaissement. Jésus pédagogue donne à ses disciples les moyens d’interpréter ce qui va suivre. L’amour jusqu’à la mort, le don de soi jusqu’à la dernière goutte de sang, et l’exaltation de celui qui s’est abaissé.
Mais la Cène n’est pas seulement pédagogique. Il ne s’agit pas seulement de nous permettre de comprendre. Il s’agit avant tout de nous permettre de recevoir ce que Jésus veut nous donner. Dans la Sainte Cène, Jésus se donne lui même, mais en plus il nous donne les moyens de le recevoir.
Je crois qu’il serait assez facile de se payer de mot en parlant de la passion du Seigneur si nous n’avions pas ce récit du Jeudi Saint. Comment dire que Jésus nous a aimés jusqu’au bout, s’il ne nous avait donnés de moyens concrets pour recevoir cet amour ? Comment dire que Jésus nous a donné sa vie s’il ne nous disait pas comment la recevoir ? La passion sans la Sainte Cène se serait comme si Dieu avait créé toutes les merveilles du monde sans nous donner d’yeux pour les contempler. Comme s’il avait créé la musique sans nous donner d’oreille pour l’entendre. Dans le mystère du jeudi saint, Jésus nous donne les moyens de recevoir, réellement, concrètement, simplement ce qu’il veut nous donner : Son amour, son pardon, sa vie.
Les théologiens nous enseignent que dans la Saint Cène, nous faisons mémoire de 3 évènements : Le sacrifice de la croix, l’institution de l’eucharistie et du ministère ordonné et le lavement des pieds. Trois évènements par lesquels Jésus veut nous associer au mystère de sa passion.
Tout part du sacrifice de la croix. Dans le geste du pain rompu et de la coupe partagé, Jésus anticipe ce qu’il va vivre. Déjà présent, donné à ses apôtres pour être leur nourriture c’est son corps livré et son sang versé, offert au Père par amour pour le pardon de nos péchés. Chaque eucharistie nous transporte à travers le temps et l’espace au pied du calvaire où Jésus se donne tout entier corps, âme, esprit et divinité. Chaque eucharistie nous emporte aussi au matin de pâques où le Christ vivant pour les siècles nous prend avec lui, fait de nous son corps et nous emmène à la droite du Père. Ce qui a été accompli une fois pour toute, est rendu présent à nouveau pour que nous puissions nous aussi en être témoins. Et ce qui a été accompli hors de nous, s’accomplit en nous quand nous recevons ce corps en nourriture et ce sange en boissons.
Pour que nous puissions, à travers le temps et l’espace, recevoir ce qu’il nous a donné dans Sa Passion. Jésus désigne des hommes, choisie pour être avec lui, formé par lui, il leur transmet cette mission « faites ceci en mémoire de moi ». Continuez ce geste ! Répétez-le inlassablement pour cette grâce que j’ai donnée, une fois pour toutes, parvienne à tous les hommes, qu’ils puissent la recevoir, s’en nourrir, en vivre.
Chers frères et sœurs, les prêtres que Dieu appelle ne sont pas toujours un cadeau, mais ils sont toujours un don que Dieu fait à son église. Ils sont le signe que non seulement Dieu a donné, mais il nous a aussi donné les moyens de recevoir. A travers l’histoire des hommes : les évêques, les prêtres et les diacres sont appelés pour que jamais la source ne se tarisse. Pour que tous nous puissions être rassasiés du pain de vie, désaltéré par la source de la miséricorde, réconcilié par le bain du baptême et de la pénitence.
Je veux le dire aux plus jeunes garçons présents parmi nous, a vous qui servez à l’autel, à vous aussi qui vous préparez à recevoir le baptême. C’est une grande et belle vocation que de servir comme prêtre. D’être l’instrument par lequel le Christ veut que tous ses enfants puissent recevoir ses dons. De dire pour son peuple les paroles même du Christ : je te baptise, tes péchés sont pardonnés, ceci est mon corps… Le Christ appel, encore aujourd'hui. Il a besoin de vous ! Si le Christ met ce désir dans votre cœur, répondez-y ! Sans peur, sans crainte ! Le Christ donne tout et il comblera les désirs de vos cœurs. Répondez généreusement dans un esprit de service et d’abandon !
Car le service est bien le cœur de ce ministère que le Christ institue. Et c’est ce que nous rappelle lavement des pieds. Un jour je demandais à un évêque quel sens voyait-il dans le fait qu’il faut toujours être ordonné diacre avant d’être ordonné prêtre. Sa réponse : « Cela nous rappel qu’on ne peut rentrer dans le ministère que par la porte de service ».
Chers confrères prêtres et diacres, ce geste que je m’apprête à faire et auquel je vous associe dans ma prière nous rappel notre vraie place dans l’Eglise : la dernière ! Que cela ne soit pas une figure de style, une pieuse politesse un peu hypocrite que nous consentons avant de reprendre la place d’honneur de celui qui commande et domine. Ce soir, notre place est celle du serviteur quelconque, demain ce sera celle du serviteur souffrant. Nous avons été pris dans le troupeau pour être placé au pied de nos frères et sœurs. Non pas par masochisme, par dolorisme, par punition mais pour rappeler qu’il y a plus de joie à donner qu’a recevoir, à servir qu’a être servi. C’est là que se trouvent notre joie et notre sanctification.
Et avec vous frères et sœurs baptisés, ce geste du lavement des pieds nous rappel qu’il est parfois bien plus difficile d’accepter d’être celui qui est servi plutôt que celui qui sert. Que dans notre relation au Christ il s'agit moins de faire que de se laisser faire. Que notre joie, notre espérance de baptisé, notre salut, ne se trouve pas dans ce que nous faisons, dans ce que nous accomplissons mais dans ce que le Christ nous donne et selon la manière qu’il veut que nous recevions. Comme Pierre, ne rejetez pas ce que le Christ veut faire pour vous et la manière avec laquelle il le fait. Ne repoussez pas les sacrements de l’Eglise, particulièrement le sacrement de réconciliation, si le Christ vous a fait ces dons, c’est parce qu’il sait mieux que vous ce dont vous avez besoin. Acceptez dans la confiance ce que Dieu veut faire pour vous.
Seigneur, alors que nous entrons avec toi dans la passion, nous te rendons grâce pour l’eucharistie et le ministère ordonné que tu nous as donné aujourd’hui. Fais que par eux nous puissions vivre de ta vie et recevoir tous tes dons, toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles. AMEN
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